Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Traduction française du texte de Jimmy Jean-Louis par MAPL

Publié par siel sur 29 Novembre 2013, 15:46pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES

texte en anglais ici : Jimmy Jean-Louis raconte son odyssée de Port-au-Prince à Santo Domingo

 

Jimmy Jean-Louis: Aux Confins de l'Abus


 
Après un vol sur Santo Domingo pour assister au Festival Global du Film Dominicain, j'étais trop près de chez moi pour ne pas faire un coup de pied de l'autre coté de la frontière pour visiter ma mère et mon père en Haïti. Après tout, le voyage ne dure que 5 heures en voiture et j'avais deux jours libres avant mon vol pour Los Angeles célébrer l'anniversaire de ma fille. En toute estimation j'avais assez de temps pour visiter mes parents et apprécier un de peu repos et de détente. Que peut-il m’arriver de mauvais chez moi?
 
Je fais le trajet de Santo Domingo à Port -au-Prince en moins de cinq heures. Seulement quelques minutes suffisent à traverser la frontière et me retrouver en territoire Haïtien. Arrivé en Haïti, je me renseigne sur les vols vers Santo Dmingo, mais à ma grande consternation , il n'y a pas de vols Port-au-Prince – Santo Domingo(SD) entre samedi matin et dimanche soir.
 
Je ne m'inquiéte pas puisque, en principe, le trajet de retour a SD ne durerait que cinq heures et tout ce qu'on a à faire est de trouver quelqu'un qui va vers SD et qui serait disposé a prendre un passager d'extra. Ainsi, après une brève visite chez ma mère, elle m'emballe une petite valise avec de la cassave, la spécialité du terroir préférée de ma famille. Si par hazard je rentre d'Haiti sans de la cassave, mes enfants m'y renvoient la chercher. Elle me prépare également une boîte à lunch de riz et d'haricots, comme seule une mère en sait le secret et l'on se sépare.
 
À 15 heures, le samedi 16 novembre, j'arrive a la frontière de Jimami avec l'intention de prendre le bus de 17 heures vers SD. La traversée de la frontière se fait sans incidents, mais une fois sur le sol dominicain, je me retrouve dans une situation insolite. Immédiatement des gens m'entourent -- certains veulent m'aider à obtenir un laissez-passer dominicain, d'autres veulent m'aider à échanger de l'argent, l'un d'eux veut vérifier le contenu de ma petite valise noire.
 
Après avoir vérifié ma valise de cassave, l'homme, qui selon moi est un douanier, décide de me faire payer les frais de douanes pour avoir amené un sac de cassave dans le pays. Après cinq minutes de confusion ou tout le monde parle en même temps, quelqu’un me persuade de changer cent (100) dollars en pesos. Il est difficile de distinguer les Dominicains des Haitiens, car tout le monde parle l'espagnol couramment. Ce ne sera que plus tard dans ce voyage que je vais apprécier l'importance de cette distinction , et les conséquences d'être haïtien dans un pays hostile.
 
Puisque le Le bus devait démarrer dans 10 minutes un chauffeur de moto-taxi offre de me faire faire le trajet de 5 minutes a la station sur sa moto moyennant 300 pesos. Avec mon sac noir entre nous , on part. Le conducteur, un Haïtien , décide de prendre des chemins détournés afin d’éviter les policiers qui nous arrêteraient et ne nous laisseraient partir qu’après leur avoir donné une «contribution». Il me dépose a la station, mais: point de bus ! il vient à peine de partir.
 
En général je suis un optimiste, mais dans cette situation je commence à développer une petite paranoïa. Me voici coincé à Jimani, où je ne connais personne. Je réalise maintenant que les 10.000 pesos que j'échangeai à la frontière se sont volatilisés. Jusqu’à ce jour je ne comprends pas comment cela s'est passé. Le chaos à la frontière, mon argent disparu, ce pilote qui, de quelques minutes, me fait rater mon bus, j’échafaude mille théories. Ainsi lorsqu’il m'offre la solution de prendre un tap tap allant à Baharona d’où je peux prendre le bus vers SD a 9 P.M. je commence à me demander si cela n'est pas un piège. Ce bus, va-t-il vraiment à SD? Ne va-t-on pas me voler mon et jeter mon corps dans une fosse, m'extorquant ainsi des 10,000 pesos qui me restent dans le sac?
 
 
Le minibus est assez vide, avec seulement 6 passagers – le conducteur et sa copine, Miguel Angel, un compositeur venant de l'Espagne, un haïtien et une haïtienne dans leur vingtaine. Selon moi tout le monde a l'air suspect, mais puisqu'il me faut absolument être a SD pour prendre mon vol de retour à Los Angeles, je veux bien risquer de jouer avec le feu.
 
Le voyage est chargé d’émotions. A un certain moment, un gros camion se plante devant nous et d'autres voitures nous dépassent, mais notre chauffeur s'arrête de façon inexplicable. Attend-t-il des amis pour un vol a la main armée? Après maints efforts pour le persuader de continuer, il repart. Je commence a comprendre pourquoi il était si nerveux, c'est un grand risque de transporter des passagers Haïtiens.
 
Après quinze minutes, des soldats armés de fusils et des agents du service de l'immigration nous arrêtent à un barrage. Nous sommes tous invités à montrer nos documents. Les agents ne sont pas satisfaits avec les pièces d’identité des deux passagers haïtiens et décident de les faire descendre du minibus pour un nouvel interrogatoire. L'Haïtien parle couramment l'espagnol, mais la jeune fille ne parle pas du tout, elle a l'air d’être une sourde-muette. La conversation entre les agents et les Haïtiens est pour le moins hostile. Ces derniers sont traités avec suspicion et ils sont malmenés. Je ne suis pas sûr de ce qui les a fait changer d'avis mais finalement les soldats autorisent les deux passagers haïtiens à remonter dans le bus. La fille semble être traumatisée.
 
Une heure plus tard nous nous sommes a un autre point de contrôle. L’obscurité commence déjà à faire son apparition et les agents sirotent des boissons, l'arme au poing. Une fois de plus, on fait sortir les Haïtiens de l'autobus pour les interroger. L'attitude de la jeune fille commence à se détériorer. Elle tremble mais ne dis pas un mot. J'imagine qu'elle a récemment subi une sorte de traumatisme, ou qu'elle vient de perdre un parent proche. Elle est totalement troublée. Les agents et les soldats l'entourent tous, insinuant qu’elle est illégale, sans tenir compte du fait qu’elle vient de passer environ six points de contrôle sans avoir été retenue.
 
Mes craintes pour ces passagers se transforment en anxiété. Ils essaient d’atteindre une destination, mais sont remplis d'effroi, car à tout moment ils peuvent être arrêtés pour le crime d'être des Haïtiens. Je sens la colère bouillonner en moi pour le manque de respect de ces soldats à ces deux êtres humains. Mais j'ai aussi peur d'élever la voix. Que cela soit dit que j'avais récemment et a deux reprises vu le film "12 years a slave" (esclave pendant 12 ans). Je décide que le silence est la meilleure stratégie.
 
Au 11ème point de contrôle, les agents demandent ouvertement au chauffeur du minibus pourquoi il transporte des Haïtiens. Ils lui sermonnent et lui disent qu'il doit toujours vérifier leurs passeports. Le chauffeur répond qu'il est un simple chauffeur de bus, et que ses deux passagers ont été déjà visés dans dix autres points de contrôle, donc il ne croit pas qu'il y ait un problème avec eux.
 
L'agent répond: «Je vais vous coller une amende si vous continuez à transporter d'autres Haïtiens». Les agents ne prennent même pas la peine de cacher leur hostilité. Miguel Angel et moi sommes tous deux choqués du traitement reçu par les Haïtiens. Cette répression contre les immigrants haïtiens ne manqua pas de me rappeler du Massacre du Persil, où plus de 20.000 Haïtiens vivant en République dominicaine furent exécutés.
 
Il est 21h15 lorsque nous atteignons Barahona, et naturellement le bus vers SD est déjà parti. On me dit que le prochain bus part à 4h du matin. Les deux Haïtiens se détendent un peu, car ils sont arrivés a leur destination. À ma grande surprise, la jeune femme commence à parler et à plaisanter. Cela m’étonne et m'attriste de voir la violence mentale qu’ils consentent a à endurer, probablement quotidiennement, juste pour s’en sortir. Le silence de la jeune fille était est une mise en scène, un masque porté pour l'aider à surmonter la violence. Est-elle illégale? Est-elle autorisée à travailler en République Dominicaine? Est-elle une Haïtienne née en Dominicanie? Mérite-t- elle le harcèlement qu'elle a reçu et qui semblait parfois être un simple amusement pour les agents?
 
Mon aventure est loin d'être terminée. Tout comme moi, Miguel Angel, a des obligations a SD tôt le matin. Nous discutons des possibilités et concluons qu’il faut payer le conducteur un large pourboire pour qu’il nous voiture les 4 heures qui restent du trajet.
 
Nous nous installons dans le véhicule espérant que cette fois-ci ce sera un voyage sans problèmes, mais avant même d'avoir la chance de faire un somme le bus s'embarde et penche comme si nous allons basculer. Le chauffeur le redresse et applique les freins. Le son du plancher de l'autobus qui racle contre l'asphalte est assourdissant. On s’arrête pour se rendre compte que le bus n'avait plus de plancher. Nous nous hâtons de sauter au-dehors pour être accueillis par une nuée de moustiques. Nous nous arrangeons quand même à pousser le bus hors de la chaussée.
 
Miguel Angel et moi décidons de marcher pendant deux heures dans l'obscurité pour arriver au prochain pueblo. Je roule ma valise pleine de cassave et je m’arrête de temps a autre pour faire le plein avec riz et les haricots de maman. Finalement on prend un bus local à 5 heures du matin et il nous dépose a SD à 10 heures du matin, 18 heures après que j'aie laissé Port -au-Prince.
 
Il n'est vraiment pas question de mes aventures, ni de la situation politique entre Haïti et la République Dominicaine. Je veux surtout enjoindre le gouvernement dominicain à régler la question des droits de l'homme. Ce qui se passe la-bas est une farce. Chaque personne mérite d’être traitée avec dignité et respect.
 
Jimmy Jean- Louis
Acteur Haïtien et modèle
Mieux connu pour son rôle du  «Haïtien» dans la série télévisée de NBC Heroes .
Source : Mur facebook de Jean Junior Joseph
 
Cordialement/Cordially
MAPL

Genyen moun ki fè listwa; genyen tou listwa fè. Dènye kalte moun sa yo ta dwe retounen donn nan bay listwa si pou lavi kontinye boujonnen. Se paske listwa te bezwen reboujonnen ki fè l te fè yo.
Il y a des gens qui font l'histoire; il y en a que fait l'histoire. Ces derniers doivent lui rendre la réciprocité si le cycle de vie doit continuer. C'est en les créant que l'histoire se recrée.
There are people who make history; there are those made by history. The latter must return the favor if the cycle of life must continue since it is by creating them that history recreates itself.
MAPL

Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents