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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Radiotelevisioncaraïbes. Récit humoristique ou presque d’un drame imminent

Publié par siel sur 19 Décembre 2011, 11:50am

Catégories : #ECONOMIE



        La semaine dernière, je m’entretenais avec un ami haitien et lui expliquais comment fonctionne le système financier international, je lui faisais part de mes inquiétudes concernant la mauvaise gestion des fonds en Haiti, redoutant que les banques haitiennes investissent nos fonds dans des fonds spéculatifs européens et américains qui sont, comme nous devrions tous le savoir, en pleine crise en ce moment. Je lui faisais remarquer que les banques haitiennes ont l’avantage d’etre de connivence avec la banque central en Haiti, ce qui leur permettrait de renflouer leur comptes mais en gourde. Ce qui les obligerait à capter tous les fonds venant de l’extérieur, particulièrement les transferts de la diaspora, s’ils ne veulent pas tomber en faillite…et l’état avec ! La conversation s’est terminée sur les femmes et la richesse, des sujets qu’affectionnent particulièrement ma génération.

    Coup de théatre ! le lundi 05 décembre 2011, ‘defend haiti’ (un site d’information en ligne) titrait : les banques haitiennes déclarent une perte de devise de 1.5 milliards de dollars ! J’ai doucement rigolé en songeant à mes prévisions tout en ayant le cœur serré en songeant au pays ! Qu’en est-il ? Où est passée cette somme ?

 

    Rapidement, je me suis rappelé que 1.5 milliards correspondent exactement au montant moyen envoyé par la diaspora en Haiti ! Ah haaa !!!! Que voilààà !!! Me suis-je dis ? Simple coïncidence ou tentative d’extorsion de fonds ? Promptement, j’ai repris contact avec mon ami qui, entre temps, m’avait déjà écrit pour me demander de plus amples explications. La dernière fois, il ne s’intéressait pas trop au sujet qu’il estimait trop compliqué mais la rapidité avec laquelle le problème s'est manifesté, a attisé sa curiosité. Encore une fois, je lui ai expliqué que l’argent déposé dans les banques haïtiennes en grande partie n’est pas prêté à l’investisseur haitien, les garanties demandées équivalent souvent à la somme que l’on veut emprunter (à des taux très élevés), ce qui implique que, d’une part l’on ne prête qu’à ceux qui sont déjà riches et qui, pour la plupart, sont aussi dans le secteur financier et d’autre part, on investit nos économies dans des fonds spéculatifs très rentables dans les banques d’investissement américaines et européennes.

 

    Je lui ai fait comprendre qu’actuellement les secteurs financiers américains et européens sont en proie à une grave crise et que si mes prévisions s’avèrent justes, le secteur financier haïtien va en pâtir, ce qui aura pour conséquence un grave problème de liquidité ! Je lui ai aussi fait remarquer que les banques haïtiennes sont de connivences avec la banque centrale de la république qui ne les laissera jamais tomber et que par conséquent, l’Etat haitien pourra procéder à un « hold-up » sur les dollars rentrant dans le pays afin de renflouer les caisses !

   

    Les banques s’arrangeront avec la bénédiction de l'Etat pour que tous les dollars venant au pays soient confisqués et en échange, on imprimera des gourdes pour donner au bénéficiaire. Cet acte équivaut à l’émission de fausse-monnaie car la monnaie émise n’a aucun équivalent réel en terme de bien et service mais est légale puisque le désordre est organisé par l’Etat lui-même. Ce qui est une explication sommaire mais non caricaturale car reflétant exactement le fonctionnement des banques dans le monde mais particulièrement en Haïti. Leurs activités ne sont donc pas illégales mais illégitimes car se faisant sans l’assentiment du déposant mais avec la bénédiction de l’Etat ! Je lui ai expliqué qu’une pareille initiative non seulement va provoquer la rareté du dollar mais aussi va créer une forte inflation. En effet, si la banque centrale va s’assurer que le taux de change n’évolue pas, les répercussions se feront tout de même sur le niveau général des prix (j’essaie jusque-là d’être bon enfant et de ne pas user de jargon économique dans ma narration). Quelques échanges d’amitiés plus tard, on termina la conversation avec des éclats de rires symbolisés par des « lol » et « mdr », acronymes dont raffole la génération internet adepte de réseau sociaux qui va à la messe sur tweeter et se font baptiser sur facebook !

    C’est avec infiniment de peine que j’ai lu sur le site de Caraibes FM en date du 06 décembre 2011 qu’à partir du premier janvier 2012 les transferts effectués vers Haiti seront remis en gourde au bénéficiaires ! Stupeur, énervement, rage ! Voilà les trois phases par lesquels je suis passé en lisant la note. Rapidement, j’ai été sur le site du nouvelliste et j’ai lu l’éditorial de Frantz Duval qui rapportait gentiment les propos des responsables de banques qui ne pouvaient être que rassurants. Au passage, je n’ai jamais rencontré un banquier qui a eu le toupet de me dire : "Monsieur, tu te fais plumer", c’est comme s’attendre à ce qu'un politicien pour vous dise: "Citoyens, je vais vous escroquer, ou qu'un prètre/pasteur vous dise qu’il ne croit pas en Dieu. C’est son gagne-pain, circulez, y a rien à voir ! N’était-ce mes études en économie  et mes multiples recherches sur la monnaie et le système financier, je boirais les propos rapportés et rengainerais ma colère pour simplement reprocher l’archaïsme des moyens de paiements en Haïti. Sauf que, dans ce cas précis, c’est comme en Argentine en 2002, les cartes de crédits, les chèques, rien ne fonctionne car on est à cours de liquidité !

    Entre deux verres et quelques cigarettes, j’échangeais mes points de vue avec un exilé de longue date, un Africain professeur d’université, spécialiste de magouilles (les exilés ne sont pas tous des anges). Lui et moi nous nous apprécions mutuellement pour notre indépendance d’esprit, la profondeur d’analyse et surtout notre capacité à envisager les coups les plus tordus (à la différence que je m’en tiens à mon imagination).

 

    Au terme de la discussion, j’en vins à me questionner sur la responsabilité de l’Etat dans l’affaire. Et si le Président voulait se servir de l’argent de la diaspora pour financer ses chantiers pharaoniques dont les financements étrangers tardent à venir ? Ce serait de bonne guerre, un excellent pied de nez (j’évite de dire doigt d’honneur pour ne pas être vulgaire) à tous ces investisseurs et bailleurs de fonds (qui donnent des fonds rien qu’en baillant, comme le disait Thomas Sankara) qui viennent défiler dans nos rues, contempler nos misères en crachant des « Oh my God » ad nauseam pour ensuite tout oublier une fois sur le chemin du retour.

 

    Je ne vais pas m’en prendre aux pays qui ont fait les promesses, je regrette même très souvent que les journaux haïtiens n’expliquent pas la situation difficile que confronte l’Occident, ce qui nous encouragerait à agir de par nous-mêmes, à abandonner pour une fois notre « kwi » pour saisir nos pelles, nos faucilles et nos marteaux (sans mauvais jeu de mots, sans arrière-pensées staliniennes) afin de reconstruire nous-mêmes notre Haïti chérie pour qu’enfin elle devienne la perle des Antilles qu’elle n’a jamais été !

 

    J’ai cette tendance à devenir poète à l’occasion, je me rattrape vite pour m’ancrer dans la réalité et poser les bonnes réflexions ! Supposons que le Président veuille par là utiliser l’argent de la diaspora afin de financer son programme. L’idée est bonne, Robin des bois donnait de l’argent aux pauvres, sauf qu’il volait les riches. Les transferts vers Haïti sont effectués en grande partie par des Haïtiens pauvres qui ont des enfants et de la famille en Haïti et qui, pour la plupart, n’envoient que de petite somme, plusieurs fois l’an. Ce qui explique que la taxe de 1.50$ pénalise largement les pauvres haïtiens qui travaillent aux « mc do » , sur des chantiers ou dans les factories et qui ne peuvent envoyer que de petites sommes une à deux fois par mois alors que les gros transferts des riches sont taxés au même montant de telle sorte que si j’envoie 10milles dollars en une fois je paye beaucoup moins cher qu’une mère de famille qui envoie 500 dollars en 10 fois!

Elle est pas belle la justice ?

 

    Notre Robin des bois national pressure les pauvres pour laisser les riches ! Quel bel exemple de bravoure !!! Soit ! Admettons que sa mesure soit juste, l’initiative avait pour but de financer l’éducation via le FNE (fonds national pour l’éducation pour les non-informés), je pourrais donc faire confiance à cette tentative d’extorsion de fonds à la diaspora haitienne afin de financer les projets, ô combien gigantesques de notre chef d’orchestre. Moi aussi je rêve d’une Haiti meilleure, je voudrais bien me fier à ceux qui veulent redorer les blasons de la République. Malheureusement, la réalité m’a rattrapé ! Je me suis rappelé d’une affaire de 26 millions de dollars dans le cadre des mêmes fonds de la diaspora ! Alors là, pas de bol ! Comment accepter de confier au moins 1.5miliards de dollars l’an (au moins 6 milliards pour les 4 ans restant) à ceux-là mêmes qui ne peuvent pas encore donner d’explications convaincantes pour les 26 millions ? Je me demande…

    Récapitulons : les banques annoncent la disparition de 1.5 milliards de dollars dans le système bancaire. Du coup, le gouvernement annonce que tous les transferts seront remis en gourdes (ce qui est une atteinte à la liberté que j’ai de recevoir l’argent dans la devise qui m’a été envoyée) de sorte que lui et les banques soient détenteurs de billets verts. Deux possibilités, l’une et/ou l’autre : soit le système bancaire est en faillite et qu’on utilise cette escroquerie pour le financer (mais sous couvert légal) pour ne pas qu’elles tombent en faillite. Soit le gouvernement veut financer ses programmes en émettant de la monnaie qui sera utilisée par les nationaux mais qui ne correspond à aucun bien ou service dans l’économie, ce qui contribuera à une hausse générale des prix (inflation en jargon économique, à ne pas confondre avec un autre nom ayant la même consonance qu’affectionnent beaucoup les hommes de mon âge). Les billets verts vont, dans ce cas, lui servir pour effectuer des transactions internationales dans le cadre de la reconstruction, contrats, achats de matériaux. Par ailleurs, ils peuvent enrichir des poches déjà pleines, la corruption et le football sont les deux sports nationaux en Haïti !

    J’ai tenu à utiliser l’humour comme un excipient pour faire passer le suppositoire très douloureux qu’est cette réalité qui se trame devant nous ! J’ai tenu à user d’un langage très simple mais non simpliste afin d’expliquer au plus grand nombre comment on peut les escroquer s’ils ne sont pas vigilants. On a là une arnaque organisée par l’Etat lui-même qui est censé nous protéger des arnaqueurs et des banquiers! La première victime est la population haïtienne qui va souffrir de la hausse des prix et de l’inégalité. La deuxième étant la diaspora haïtienne que l’on escroque alors même qu’on lui refuse la double nationalité ! Moi qui suis contre la double nationalité, pour une fois j’en deviens partisan car dans ce cas précis, c’est la diaspora haïtienne qui va financer largement la reconstruction (si l’argent est utilisé à cette fin) ou qui va enrichir les membres du gouvernement et les banquiers haïtiens si l’argent est détourné !!! Que ce soit dans le but de construire le pays ou de renflouer les comptes des banquiers (je considère les aspects positifs), l’Etat nous doit des explications et ne doit pas s’emparer ainsi des devises étrangères envoyés par des haïtiens qui peinent à joindre les deux bouts afin de subvenir au besoin de leur familles en Haiti !

Fort de tout cela, en tant que citoyen :

     J'appelle les autorités compétentes à faire des audits indépendants dans les comptes des banques haïtiennes

     J’exige que l’état donne de plus amples explications sur les fonds déjà prélevés dans le cadre du fonds nationale pour l’éducation, particulièrement sur les 26 millions de dollars portés disparus

     Je demande à la diaspora haitienne de se mobiliser et d’exiger de l’Etat la reconnaissance de leur double nationalité mais aussi la jouissance pleine et entière de leur droits civiques et politiques : La diaspora n’est pas une vache à lait qu’il faut pomper !

      Je demande au ministère des Finances de placer sous surveillances les banques haïtiennes et d’exiger plus de prêts à l’investissement en Haiti !

     Je demande aux politiques de prendre leur responsabilité : une telle politique aura pour conséquence une hausse des prix, ce qui peut entrainer des émeutes regrettables comme en 2008. Il est temps que les politiciens haïtiens sortent de l’opposition à une personne pour construire une véritable opposition d’idées !

      Je demande aux journalistes d’enquêter sur l’affaire, de doubler de vigilance et d’exiger plus de transparence de la part des autorités.

    Il est bruit qu’il y aura un décret qui sortira sous peu, ordonnant aux maisons de transferts de donner l’équivalent en gourde du transfert. Cette ordonnance rappelle les régimes autoritaires que nous avons connus ou que l’on connait encore actuellement dans le monde mais contre lesquels les peuples se sont toujours battus ! Ce décret est donc inique !

    J’appelle donc les institutions défendant les droits de l’homme à redoubler de vigilance contre les éventuels dérives totalitaires de ce gouvernement,

    J’en appelle aussi à tous les économistes pour qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils usent pour une fois de leurs compétences en faveur de la nation.

    J’appelle de mes vœux l’exaucement du souhait du sénateur Delpé : une grande conférence nationale en vue d’un véritable contrat social qui servira de directive à la nation.

    J’appelle, j’appelle, je demande, je demande, mais je suis sûr que je ne serai pas entendu, je suis certain que je ne serai pas écouté. Mais, j’aurai la conscience tranquille et j’accuse déjà tous ceux qui se taisent d’être responsables et complices du chaos vers lequel on va, du précipice au bord duquel on marche comme des somnambules !!!

Je ne suis pas coupable !

Vincent Max-Kerry                           
Economiste de Formation

 

Sources : http://www.radiotelevisioncaraibes.com/opinion/haiti_economie.html

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