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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Les écrivains haïtiens vers 1983

Publié par Elsie HAAS sur 6 Juin 2009, 09:00am

Catégories : #REFLEXIONS perso

Toujours dans le rangement de livres qui n’en finit pas, j’ai retrouvé un numéro de la revue Mot pour Mot, intitulé Littératures Haïtiennes 2 (je n’ai malheureusement pas le 1) datant de octobre 1983.

Il y a là des textes inédits  de : Jacqueline Beaugé, Jacques Rey Charlier, Pierre Clitandre (incroyable écrivain pas assez connu), Roger Dorsinville, Gérard Etienne, Jean Jonassaint, Serge Legagneur, Nadine Magloire, Jean Métellus, Anthony Phelps, Claude Pierre.

Chacun des textes de chacun des auteurs présenté est passionnant. La nouvelle de Gérard Etienne, "Une femme muette", celle de Nadine Magloire: "Autopsie in vivo", les poèmes de Charlier : "Terra Incognita ", de Serge Legagneur : "Textes muets";  de vrais joyaux . Un régal !

1983, était une époque où les écrivains haïtiens n’avaient pas besoin d’exhiber leurs « grenn » pour être

écrivains.

 

Il y a aussi sur ce même sujet, un texte de Léon François Hoffmann,  très bien documenté  « Le romancier haïtien et son public ». Hoffmann explore à travers un historique de la littérature,  les différents problèmes qui se posent aux écrivains haïtiens face, notamment, à un lectorat réduit (en 1983, les statistiques donnaient 80% d’analphabètes dans la population âgée de plus de 15 ans – ceci après 20 ans de règne sans partage des grands nationaliste/noiriste, les 2 Duvalier et de leurs gens de cour).

 En dehors de cette absence de lectorat local (et international, en dehors des frères Marcelin, de Roumain et de Jacques Stephen Alexis),  Hoffmann note l’ambiguïté d’une littérature qui se réclame d’une identité haïtienne, mais qui ne s’apprécie qu’à l'aune de la littérature française.

Un troisième point, qui m’a semblé devoir retenir l’attention, est celui de l’engagement des écrivains haïtiens dans la « défense » de l’image d’Haïti,  mouvement dont Anténor Firmin a été l’un des précurseurs avec sa réponse à Gobineau.

 

 Hoffmann précise bien que cette posture défensive des écrivains haïtiens était  - non pas de la paranoïa comme on le laisse entendre de nos jours - mais une attitude logique et nécessaire en réponse aux multiples attaques contre Haïti venant de l’extérieur.

« …les romanciers haïtiens ont toujours été amèrement conscients de la mauvaise image de marque que l’on avait faite, que l’on continuait à faire à leur pays. Ne pouvant échapper au regard de l’étranger, l’ont affronté et ridiculisé. Comme l’écrivait Frédéric Marcelin dans Choses haïtiennes (1896) :

Aventuriers, gratte-sous, chevaliers partis pour la fotune et revenant bredouille ont débité pas mal d’insanités sur notre chère Haïti. Les titres de leurs enseigens : Au pays des généraux ! Au pays des Nègres ! disaient bien avant l’entrée de la baraque, leur prétention à l’inédit, à l’invraisemblable, au grotesque ».

 

Aujourd’hui,  pour divulguer la mauvaise image d’Haïti, aux  « Royal Bonbon », "Ghosts of Cité Soleil,"  se sont adjoints les Haïtiens avec "Moloch Tropical", "GNB contre Attila", entre autres titres exotiques.

 

 Cet engagement des écrivains haïtiens, précise Hoffmann, ne les a pas cependant empêché de porter des critiques à leur propre société.

«  Dans Jacques Bonhomme d’Haïti, Armand Thoby déclarait dès 1901 :

Mon patriotisme s’émeut des brocards de l’étranger. Mais cacher nos plaies n’est pas le moyen de les guérir… »

Et Fernand Hibert, dix ans plus tard dans Les Thazar :

Il est peut-être temps que nous songions à donner par l’exemple un éclatant démenti à cette conclusion sociologique que « les races d’esclaves engendrent des âmes d’esclaves, cruelles pour les faibles, dociles aux forts. »

Critiques prudentes certes, qui préfèrent se cantonner dans des généralités, évitant de nommer les personnes visées par peur des représailles  gouvernementales ou simplement d’être mis en quarantaine par la société.

 

 Une personnalité comme Roumain, peu de gens le savent, mort à 37 ans, à la fleur de l’âge, avait passé une grande partie de sa courte vie à rentrer et sortir de prison, jusqu’à ce que ,finalement, Lescot lui accorde une sorte d’exil doré comme ambassadeur au Mexique, juste avant qu’il ne revienne mourir en Haïti.

C’est assez intéressant de constater que Roumain, fondateur du parti communiste haïtien, mulâtre issu d’une famille aisée, dont la vie a été aussi mouvementée que brève,  a écrit le livre le plus  réaliste et visionnaire sur Haïti, en plaçant les questions de la terre, du déboisement, de l’agriculture, de l’organisation du monde paysan au centre du développement du pays.

 

Et que ce  livre, se  terminant avec l’espoir d’un monde nouveau incarné par le bébé de Manuel, sa graine, dans le ventre d’Annaïse, est aussi le plus optimiste que la littérature haïtienne ait produit jusqu'à aujourd'hui.

 

Le texte d’ Hoffmann, n’a pas pris un pli. L’ensemble des problématiques qu’il soulève est au contraire, d’une brûlante actualité dans le contexte du positionnement de ceux que je m’amuse à nommer les zentellectuels (zen signifiant  ragots en ayisyen), membres du groupe du Collectif Non, ces  5 dernières années.

 Ce numéro 11 de Mot pour Mot est un véritable trésor. Non seulement on y trouve les écrits inédits des écrivains haïtiens mentionnés plus haut, le texte de Hoffmann, mais aussi l’impression de l’affiche faite par Picasso à l’occasion du 2ème Congrès des Ecrivains et Artistes Noirs à  Rome du 26 mars au 1er avril 1959, une pub pour le Toussaint Louverture d’Aimé Césaire, un résumé du livre de Cheik Anta Diop, L’Unité culturelle de l’Afrique Noire et une quantité d’autres merveilles qui, hélas révèlent à quel point la vie intellectuelle dans le monde Noir s'est dévitalisée, ces derniers temps.

 Pas seulement en Haïti mais en Afrique également. De sorte qu’au lieu du démenti préconisé par Hibert, il semblerait plutôt que nous en soyons, en Haïti du moins,  à la démonstration que :

« ..les races d’esclaves engendrent des âmes d’esclaves, cruelles pour les faibles, dociles aux forts. »

La  description qui colle le mieux, selon moi, au mouvement grenn-nanbounda.

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N
<br /> <br /> J'ai publié un roman en novembre 2009:AUTOPSIE IN VIVO et en novembre 2010: AUTOPSIE IN VIVO LA SUITE. Nadine Magloire<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Chère Nadine Magloire<br /> <br /> <br /> Bonne Année à vous et à ceux qui vous sont chers.<br /> <br /> <br /> Je vais regarder où ces romans ont été publiés pour me les procurer.<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> <br />

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