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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Constitution JOVENEL. L'audit en français du CRAN et de JILAP

Publié par siel sur 6 Mai 2021, 15:44pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #AYITI EXTREME DROITE, #AYITI ECONOMIE, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

Constitution JOVENEL. L'audit en français du CRAN et de JILAP
Constitution JOVENEL. L'audit en français du CRAN et de JILAP

 

Sur l’avant-projet de Constitution de 2021

                                                              

Un projet de Constitution qui tue la démocratie et la participation

Un projet de Constitution qui tue la liberté citoyenne

 

CRAN, de concert avec la CE-JILAP a dévoué du temps pour fouiller l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Certainement ce travail n’était pas vraiment nécessaire, parce que le projet de doter le pays d’une nouvelle Constitution ne répond pas aux exigences légales d’une telle entreprise ; d’ailleurs les autorités étatiques ont prêté serment de suivre ce qui est prévu par la Constitution de 1987. Mais, en regardant ce qui se trouve à l’intérieur du projet, nous comprenons mieux où le pouvoir en place veut conduire le pays.

Remarques préliminaires

  • Il faut bien songer ce qu’est une Constitution :
    • Il y a l’aspect légal (une Constitution est une loi, fondement d’autres lois) ;
    • Il y a un aspect politique, parce qu’elle répond aux questions : comment établir le pouvoir, comment exercer le pouvoir et organiser la participation citoyenne ; comment rendre compte de sa gestion. Sans reddition de compte il ne peut y avoir de démocratie.

 

  • Qui a le pouvoir de donner / rédiger / changer une Constitution ?
    • Pour des changements mineurs : il y a le chemin des amendements, définis dans la Constitution même.
    • Remplacer une Constitution intégralement est plus complexe : il est clair que la décision ne peut émaner d’une seule personne. Les rédacteurs non plus ne peuvent être choisis par une seule personne. Le processus est beaucoup plus complexe.
    • Toujours, la décision de remplacer une Constitution ne devrait pas être prise par un gouvernement contesté, qui a peu de légitimité, en pleine crise politique. Sauf si l’objectif même serait d’enfoncer le pays dans une crise encore plus profonde.

 

  • Il faut se rappeler également : Haïti « dévore » les Constitutions. Depuis sa fondation, le pays en a eu 24 déjà : Une Constitution tous les 10 ans de son histoire[1]. Cela déjà indique que le problème de l’instabilité politique ne dépend pas d’une Constitution, mais des élites qui cherchent des avantages dans les changements, voire le remplacement de celle-ci.

La Constitution en vigueur aux Etats Unis, par exemple, est toujours celle de 1787 ; s’il y a un problème, on vote un simple amendement.

 

  • La Constitution haïtienne de 1987 est la Constitution qui a le mieux résisté aux attaques et tentatives de changement : le processus qui l’a mise sur pied démontre donc son importance. Les gouvernements successifs n’ont pas apprécié la Constitution et sa vision du pouvoir et de la participation citoyenne ; c’est pourquoi, ils ne l’ont pas appliquée, mais ils se sont mis à l’accuser d’être source d’instabilité. Depuis le président Préval on répète l’argument.

 

  • La Constitution de 1987 a été rédigée après la dictature ; mais est-ce qu’on peut dire que le pays en ce moment est sorti de la dictature ? Est-ce qu’il y a de vraies institutions dans le pays pour assurer l’exercice démocratique du pouvoir ? En ce moment presque toutes les institutions étatiques ne fonctionnent plus ; le pays n’est pas sorti de la tentation dictatoriale.

Le projet de 2021 est « liberticide », il tue la démocratie et la participation. En plus, il doit garantir l’impunité de ceux qui sont au pouvoir. Une simple analyse de l’Exécutif et du Judiciaire suffit pour démontrer cette affirmation.

Comment apparait le Pouvoir Exécutif (PE) dans le projet de Constitution de 2021 ?

  • Article 133. Le Pouvoir Exécutif est le Président, « assisté » de ministres et secrétaires d’Etat.
  • Article 134. Le Président est élu dans un suffrage direct à tour unique avec majorité simple.

Il convient de bien regarder ce que cela signifie quand il y a par exemple 20 candidats, qui chacun obtiennent autour de 5 % des votes exprimes … Quel serait alors la légitimité de ce président ?

  • Article 139. Le président jouit l’immunité durant son mandat … pas de problème. Mais pour les actes incompatibles avec sa fonction, il peut être poursuivi jusqu’à deux mois après la fin de son mandat seulement. Connaissant le fonctionnement de la justice haïtienne, on peut prévoir ce que cela signifie pour des actes de mauvaise gestion, de corruption et autres crimes commis au cours du mandat. Il deviendrait impossible de poursuivre des actes de corruption, comme celles liés aux fonds Petro Caribe et autres.
  • Articles 141 et 145. Bien voir le mandat très large du président dans le domaine des nominations
  • Article 147. Bien voir les nominations à faire par le président avec ses ministres, sans un sénat qui présente, propose, contrôle, …L’Assemblée nationale a 15 jours pour refuser une nomination à la majorité de 2/3 des suffrages exprimés … Cela signifie que ce que le président propose doit inévitablement passer

Les ministres

  • Article 158. Ils sont des « collaborateurs » du président. Ont-ils une responsabilité propre pour la gestion de leur ministère ou sont-ils de simples exécutants de la volonté du président ? Parce que comme dit art 161 :

Article 161. Les ministres et secrétaires d’Etat sont nommés et révoqués par le président. Il n’y a plus de contrôle parlementaire ; plus de responsabilité propre du ministre pour son ministère.

  • Article 163. L’article mentionne clairement que les ministres nomment les employés de leur ministère « sur délégation du président ».

Ils jouissent l’immunité pour les actes liés à leur fonction, même après la fin de celle-ci.

Le Pouvoir judiciaire 

Quelques remarques :

  • Articles 185-186-187. Le rôle du CSPJ est presque réduit à rien. Il peut « être consulté » …
  • Article 176. Un juge peut toujours être enseignant (comme dans la Constitution de 1987) … Est-ce que cela va permettre de combattre l’absentéisme des juges aux tribunaux ; tout comme le trop plein des prisons ? Donc, il n’y a pas d’amélioration …

La Cour des Comptes

•       Article 198. La Cour n’est plus compétente pour le contentieux administratif. Il n’est plus un tribunal, mais doit saisir le procureur de la République en cas de corruption constatée.

•       Article 203. Les membres sont nommés par le président.

Et selon l’article 202 : 4 des 9 membres sont directement désignés par le président ; puis, selon l’article 200 : 5 des 9 membres sont issus de l’Administration publique. Quel est alors le degré d’indépendance ?

•       Article 204. Le rôle de la Cour est d’assister l’Exécutif ; elle peut être consultée ; elle a le droit de faire des audits. Ce dernier point, les audits, n’est plus un devoir. En plus, un audit se fait après coup.

Le Conseil électoral permanent -- CEP

  • Article 208. Sa composition laisse beaucoup de vides et espaces de manipulation : un représentant de la diaspora … qui se trouve dans plusieurs pays à travers le monde ? D’autres noms sont proposés par la société civile organisée de chaque département …

La diaspora dispose d’un (1) représentant au CEP. Comment organiser une diaspora ?

L’article 208 parle de la société civile « organisée » … C’est quoi en réalité ?

Le Pouvoir législatif

  • Abolition du sénat / tous les députés pour 5 ans / élus dans un tour de scrutin unique.
  • La question se pose si l’Assemblée nationale, comme on appellerait le parlement, pourra fonctionner comme un vrai contre-pouvoir en face d’un président qui détient tout pouvoir comme il est prévu dans le projet.

Le tour unique (avec la simple majorité) ne peut donner une forte légitimité aux élus … vu la multitude de candidats qui se présentent à chaque niveau. Un député pourra facilement être élu avec quelques centaines, voire dizaines, de voix.

Les Collectivités

  • Le projet de Constitution n’en parle presque pas. On prévoit un seul magistrat dans une commune.
  • Article 246. Il y a le délégué (dans le département) et vice-délégué (dans chaque arrondissement), nommés par le président qui dirigent les services déconcentrés.
  • Il n’y a plus d’assemblées territoriales qui constituaient pourtant le nœud de la démocratie locale, parce qu’une assemblée est un lieu d’échange et de délibération, essentiel à la participation. Quelle est la participation effective de la population locale à la vie de la collectivité ? Exemple : Les assemblées participaient (1987) au choix des juges et au choix des candidats pour le CEP ; les collectivités formaient la condition de participation et de décentralisation. Elles connaissent les réalités vécues, parce que plus proches des paysans et des habitants des quartiers. Si la population se montrait très intéressée à cette structure, les autorités n’y croyaient pas, parce que les assemblées diminuaient leur propre pouvoir.

 

Quelques conclusions

Cette étude soulève quelques points seulement ; mais d’autres points mériteraient l’attention.

Une Constitution n’est pas une loi ordinaire, il y a des procédures à suivre pour sa rédaction et pour son amendement. Elle a une fonction juridique, une fonction politique, parce qu’elle organise le pouvoir politique dans le pays.

Le projet élimine le premier ministre pour renforcer la fonction présidentielle et pour concentrer davantage de pouvoir de décision entre ses mains. Les mécanismes ou institutions de consultation et de contrôle lors des nominations cruciales sont très affaiblis, sinon éliminés. Le vice-président est un figurant sans rôle particulier.

Le pays se trouve en pleine demande de lutte contre l’impunité ; le projet de Constitution ne renforce pas le cadre de cette lutte, au contraire, il l’affaiblit : voir ce qui est prévu pour le président et les ministres en termes de « rendre compte ». Voir également la façon dont les organes de lutte contre la corruption sont affaiblis, comme la Cour Supérieure des comptes.

Les Constitutions en Haiti ont une dimension historique. Si chaque 10 ans les élites politiques sentent le besoin de changer de Constitution, il faut bien se rendre compte qu’’il y a un problème avec les élites qui veulent une Constitution à leur mesure, selon leurs intérêts. La Constitution de 1987 a résisté assez bien à cette velléité, parce que le processus de sa rédaction était différent, avec une constituante élue, une grande participation populaire avec des idées et suggestions, et la transparence dans la rédaction et la votation des articles : la constituante a voté les articles séparément en français et en créole.

La grande nouveauté de 1987, la collectivité territoriale avec des assemblées à chaque niveau est éliminée dans le projet de 2021.  On prétend qu’elle serait impraticable. Mais il faut admettre que les pouvoirs politiques ne veulent pas de la participation populaire ou des expressions de participation populaire directe. Tous les gouvernements ont démontré cela, par leur refus systématique de les organiser.

L’absence et l’indifférence de la population constatée lors des élections trouve son explication dans le simple fait que les élus ne gèrent que leurs propres intérêts et non ceux de la collectivité, une fois arrivés au pouvoir.

La conjoncture actuelle d’ailleurs ne se prête pas à la tenue de référendum, qui est d’ailleurs inconstitutionnel, ni à la tenue des élections. Le problème des gens est la violence, l’insécurité et la cherté de la vie. Tout gouvernement doit prouver sa légitimité par sa capacité de répondre aux questions réelles des gens.

Est-ce qu’il faut abolir le sénat ? La tradition dans le pays veut qu’il y ait un sénat, qui fonctionne comme contre-pouvoir. Si on monnaie (paie pour) la votation des lois, alors, ni celui qui paie, ni celui qui reçoit de l’argent commet le crime de corruption et mérite jugement et sanction. Il faudrait assurer l’indépendance et renforcer les structures de lutte contre la corruption, et non pas les affaiblir comme est fait dans le projet de Constitution. Il y a d’ailleurs mille façons pour économiser dans les dépenses de l’Etat, qui sont certes nécessaires, sans être obligé de supprimer des institutions essentielles.

L’urgence du pays en ce moment est certes de créer les conditions qui permettent aux institutions de fonctionner, comme la Justice. En principe, la Justice comme Pouvoir de l’Etat n’a pas le droit d’entrer en grève et de pénaliser ceux et celles qui sont en prison en attente de jugement. La Justice à d’autres moyens pour faire valoir son point de vue et ses revendications.

Port-au-Prince, le 3 mai 2021

Pou CE-JILAP / pour CEJILAP

Me Jocelyne Colas Noël, Direktris nasyonal CE-JILAP

Telefòn, 39123292

 

 

 

Pou CRAN / pour la CRAN

 

M. Pierre Yoldy Clermont, TKL, cell. 4242 5501

 

M. Rateau Jn Ulrick, ASOKOPEG, cell. 3694 4450

 

Me Louicy Niclais, cell. 3714 0024

 

M. Belony François, CRAN

 

Mme Jn Guillaume Vivianette, CRAN

 

Mme Lovely Lubin, Cap Haïtien, cell. 4733 4733

 

Mme Lorna Telusma, SPI, cell. 3808 0991

 

P

 

[1] Pour rappel: Les dates des Constitutions haïtiennes: 1801 (Louverture) ; 1805 (Dessalines) ; 1807 et 1811 (Christophe/Nord et Pétion/Sud) ; 1843 (Boyer) ; 1846 ; 1848 ; 1849 ; 1867 ; 1874 ; 1876 ; 1879 ; 1888 ; 1889 ; 1897 ; 1908 ; 1915 ; 1918 ; 1937 ; 1946 ; 1950 ; 1953 ; 1987 …

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