Théano, ministre chargé des relations avec le Parlement, déclare qu'il " doit remercier Duvalier."

 J'ai écouté sur Vision 2000,  ici : link l'entretien  en date du vendredi 22 mars, de l'animateur vedette  de l'émission "L'invité du jour", avec M. Théano.

M. Ralph Théano. Ministre Ralph Théano et les enfants issus de foyer monoparental

Première impression : malaise.

Malaise pourquoi ? L'animateur est dans ses petits souliers. Foin de coupures vives, adieu les interruptions intempestives, fort souvent déplaisantes d'ailleurs, les coqs à l'âne,  au rencart, les rentre dedans, fort souvent gratuits d'ailleurs.

Là, il s'agit d'un exercice qui consiste à ne pas perdre la face et l'étiquette de journaliste indépendant, et même frondeur (hé, hé)  tout en prenant moult précautions pour ne pas gêner son interlocuteur tout puissant (à ses yeux).

Deuxième impression : le ministre n'avait strictement rien à dire d'intéressant.

Si ce n'est  d'exprimer sa foi dans le gouvernement Tèt Kale , des crânes rasés, qu'il considère comme appartenant à sa famille idéologique, lui qui était membre auparavant d'un parti macoute ( dixit le journaliste), le PUM  (ils auraient pu enlever le M, cela aurait été plus approprié)

Théano déclare donc qu'il "doit remercier Duvalier", que son père était un grand duvaliériste...et aussi grand ami du père de Martelly. Une affaire de famille en somme.

Troisième impression : dégout.

Pas de colère, juste du dégout, ça pue ( on est habitué en Haïti à ce sentiment là) devant le silence total/capital du journaliste après cette apologie du duvaliérisme, alors même que nous assistons aux témoignages  douloureux des victimes de Duvalier J-C à l'occasion de son  jugement,  en ce moment même en Haïti.

 Qui ne dit rien consent. Le Figaro : Affaire Bettencourt : Sarkozy mis en examen

On aurait pu s'attendre à ce que, pour le moins, le journaliste lui rappelle que si, lui, Théano, si sa famille et les courtisans de Duvalier ont plaisir à remercier le dictateur puisqu'il les a grassement  nourris, il reste qu'une majorité d'Haïtiens ont souffert de ce régime et, loin de remercier Duvalier,  l'ont en horreur pour les meurtres, disparitions, viols et vols commis pendant 29 ans.

Si je me permets d'affirmer cela c'est que, ayant parler à des vieux Haïtiens de la campagne, des gens dont on n'entend jamais les voix, j'ai pu, à travers leurs témoignages, mesurer l'étendue des blessures non cicatricées, dans les corps et dans les âmes, dans les relations familiales, l'immensité du saccage provoqué dans le monde paysan par les macoutes et les dignitaires grassement nourris des 2 dictatures.

Ne serait-ce que par respect pour les victimes, le journaliste n'aurait pas dû laisser passer une telle déclaration, qui n'est rien d'autre que de la provocation - du style " Je vous emmerde, j'emmerde les victimes, nous sommes au pouvoir, nous avons l'argent et les armes."

Non seulement le journaliste n'a pas eu ce courage, mais pire encore, il a laissé Théano déclarer que Tous les Haïtiens de sa génération étaient exactement comme lui. C'est à dire remerciaient les Duvalier.

Comme si le reste d'Haïti,  le pays en dehors, la majorité qui n'a pas bénéficié des largesses des 2 Duvalier mais, au contraire, a supporté la descente aux enfers dans laquelle ils ont  entrainé le pays, n'existait pas.

Bien sûr, on n'est pas des enfants de choeur, on ne va pas se voiler la face et demander aux gens de se comporter en héros face à un Théano ancien membre super actif d'un parti de macoutes. Et on sait comment ces gens-là dégainent facilement leurs machettes et leurs Uzzi.

Leurs meurtres sont innombrables. Faisons une recherche  dans le charnier de Titanyen. Chiche.  Allons creuser. Citoyens, prenez vos pelles et vos pikoua pour retrouver votre mémoire.  Peut-être que l'on retrouverait les ossements des frères Jumelle ... et de tous ceux qui ont été assassinés pendant ces 29 années paradisiaques.

Mais, non. Flûte, j'avais oublié que Préval avait choisi  le site de Titanyen, rebaptisé Saint Christophe, pour enfouir les cadavres des victimes du séisme. Allez hop ! Tous les déchets insignifiants dans le même trou !

On sait  aussi qu'être un journaliste indépendant, c'est difficile partout, mais qu'en Haïti c'est mission impossible, surtout avec le retour des fils des duvaliéristes et macoutes dans toutes les sphères de l'Etat.

 

Car, Haïti n'est pas seulement occupée par les forces de la Minustah, mais aussi par les forces mortifères de l'extrême droite.

Le plus cynique et par ailleurs symptomatique de l'état d'esprit de ces gens-là, les  fils de duvaliéristes, de militaires et de macoutes à la Théano ou à la Magalie Racine,  fille de la patronne de la prison Fort-Dimanche, Mme Max Adolphe, et actuellement Ministre de la jeunesse ( ô Haïti  ! A quelles mains confies-tu tes enfants ! Quel avenir sinistre tu te prépares l), c'est qu'après avoir exprimé ses remerciements à Duvalier, le Ministre Théano a déclaré que son gouvernement était pour un Etat de droit.

C'est ce qu'ils vendent à la communauté internationale. Laquelle n'est pas dupe (elle a ses espions au coeur du pouvoir) mais se contente de cette pub qui fait son affaire. Elle aurait instauré une "Etat de droit" en Haïti. Superbe. Et puis, en vérité, qu'est-ce qu'elle en a à foutre de ces nègres  colorés en rose  qui bouffent du nègre, volent et s'engraissent de leurs pillages, c'est leur affaire, c'est la démocratie. Comme en Irak. Comme ...dans les restes du monde.

La communauté internationale, les simples citoyens des pays du Nord se gaussent d'eux. Ils les regardent avec amusement et  satisfaction (racisme oblige),  ceux d'Haïti notamment, s'empiffrer goulument comme s'ils n'avaient pas mangé depuis 1986, voyager  de par le monde comme s'ils ne l'avaient jamais fait ( ça c'est vrai), s'habiller en rose (ha! ha!), jouer aux matamores sur leur population affamée(facile).

Le plus sinistre, c'est de savoir que la personne chargée des relations entre le Parlement et le gouvernement est un ancien membre d'un parti  qui s'avouait officiellement macoute , d'un parti de para-militaires, anti-démocratique- lequel de par son idéologie considère le système parlementaire comme une entrave au pouvoir personnel du chef.

Rappelons que c'est ce même "gentil" Théano qui avait déclaré que les parlementaires étaient des terroristes dysfonctionnels link parce qu'ils étaient issus de famille mono-parentales. Lui, bien sûr, s'enorgueillit d'avoir un papa grand  duvaliériste et, de ce fait, d'appartenir à l'aristocratie des "san manman". A chacun ses marques de noblesse!  D'ailleurs, ne laisse-t-il pas entendre dans cet entretien que sa mère, dès son plus jeune âge, n'avait aucune autorité sur lui...!

Ceci dit, dans la conjoncture  caractérisée par une  apologie constante de la dictature et du temps paradisiaque "d'avant ces 25 dernières années", où chacun fermait sa gueule, serrait sa queue entre les jambes, offrait sa femme, sa fille à un Axel Benjamin,  super macoute des Cayes- qui a fini très mal par ailleurs-  et mettait l'essentiel de son énergie à élaborer des plans de fuite du pays- apologie dont les zentellectuels de 2004 ont été les plus fervents porte-voix et pour laquelle ils ont été grassement récompensés, il est totalement logique que Martelly choisisse un ancien macoute comme courroie de transmission  entre lui, le chef, et les parlementaires, ses obligés.

N'avait-il pas, lui également, comme il l'a dit, pris sa carte de macoute à l'âge de 15 ans. Un âge tendre où les adolescents se sentent pousser des ailes, rêvent de liberté -quitte à un âge plus mûr à revenir aux fondamentaux des valeurs conservatrices de leurs familles.

Pour info, Jacques Roumain avait 17 ans quand il a écrit "Les Fantoches."

Toute une autre Haïti.

Dans Les Fantoches, Roumain décrit l'état d'esprit marqué par la soumission, la lâcheté et l'impuissance, l'absence d'empathie et de conscience politique et morale d'une certaine catégorie plus ou moins aisée d'Haïtiens.

L'animateur vedette de Vision 2000, au cours de sa prestation avec Théano, aurait pu être un des personnages  décrit dans ce petit roman  méconnu de Roumain, que "j'adore", comme dirait ma petite fille Azumi, l'enfant de Bethsabée,  qui vient de découvrir ce mot.