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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Le Monde.fr Dimanche ordinaire à Pretoria, durant les funérailles de Mandela

Publié par siel sur 16 Décembre 2013, 14:45pm

Catégories : #INTERNATIONAL

Le Monde.fr | 15.12.2013 à 15h20 • Mis à jour le 15.12.2013 à 16h10 |Par Benoît Hopquin (Pretoria (Afrique du Sud), Envoyé spécial)

 

Dans l'immense, l'infinie agglomération de Pretoria, les Afrikaners ont manifesté leur opinion non avec leurs pieds mais avec leurs voitures. Ce 15 décembre au matin, alors que se déroulaient les funérailles de Nelson Mandela, retransmises en direct dans le monde, ils ont suivi la routine des dimanches ordinaires, au volant de leur auto.

Lire sur les funérailles : Nelson Mandela inhumé avec ses ancêtres à Qunu

 

A Lynnwood ou Garsfontein, banlieues chics, ghettos dorés plutôt, dont les populations sont à 75 % blanche et à 60 % afrikaner, les habitants quittent leurs villas ultrasécurisées. Comme d'habitude, ils vont faire des courses, boire un café ou se rendre à l'église, piété oblige, comme à 9 heures pour l'office de l'Eglise réformée néerlandaise du quartier de Faerie-Glen. Les plus sportifs bravent la chaleur, revêtent leurs cuissards et sortent leurs vélos pour leur traditionnelle sortie dominicale. Une fin de semaine ordinaire, vraiment.

A chaque croisement, des vendeurs de journaux, des Blancs, petites gens qui bouclent ainsi leurs fins de mois, proposent l'édition de fin de semaine de Rapport. Le grand journal afrikaner consacre toute sa « une » aux funérailles, à Qunu, le village d'origine de Madiba, nom tribal et affectif de Mandela, peu utilisé dans ces parages. L'édition ne trouve pas preneur. Tentative de conversation avec une vendeuse désoeuvrée. « C'est calme aujourd'hui? » « Oui, c'est dimanche. »


Sur les parkings des marchands de légumes ou des églises protestantes, la discussion débute aisément mais s'arrête sitôt qu'est évoquée la cérémonie en cours à la télévision. Non, ils ne la suivent pas. Le ton est sec ou gêné. Les plus embarrassés expliquent que Mandela était un grand homme. Les autres ne disent rien, s'éloignent, s'enfuient plutôt. On gardera pour l'entre-soi, pour le barbecue du midi avec les amis, ses réflexions. Dans ces environs, l'ANC ne fait pas une voix aux élections.


A-T-IL SUIVI LA CÉRÉMONIE ? « NON » QU'EN PENSE-T-IL ? « RIEN »


Plus loin, le site du Voortrekker est ouvert, aujourd'hui comme tous les week-ends. «Pourquoi ne le serait-il pas ? », avait-on entendu la veille, en se renseignant. Ce monument de 30 mètres de haut, à l'architecture mastoc, est juché sur la plus haute colline de la ville. Il retrace la saga des Boers qui ont colonisé l'intérieur des terres au milieu du XIXe siècle, dans ce qui fut appelé le Grand Trek. A partir des années 1930, la construction du Voortrekker a suivi le développement du nationalisme afrikaner. Il fut inauguré en 1949, un an après l'instauration de l'apartheid, devant une immense foule entièrement blanche. Chaque année, près de 200 000 personnes le visitent. Quand, en 2012, Nelson Mandela est venu ici, au nom de la réconciliation nationale, l'extrême-droite blanche y a vu une profanation et menaçait ce pélerin exceptionnel d'un attentat.

Lire aussi le reportage : Dans l'Afrique du Sud de l'après-Mandela, la ferme des Webster redoute la fin d’un monde

 

Le centre de la vaste crypte est occupé par un cénotaphe sur lequel il est écrit en néerlandais : « Nous pour toi Afrique du sud. » Des alignements de chaises ont été disposés tout autour. Demain, comme chaque 16 décembre, des centaines d'Afrikaners viendront commémorer une date importante de leur histoire, la victoire de Blood River, en 1838, quand une poignée de Boers emmenée par Pretorius a vaincu l'armée zouloue de Dingane.

 

Des groupes asiatiques et des familles afrikaners déambulent ce dimanche matin devant les fresques glorifiant la conquête boer. David De Bruin, un installateur d'enseignes commerciales à Pretoria, aussi massif que le Voortrekker, est venuvisiter le lieu avec sa nouvelle compagne et sa mère. Il était déjà venu avec sa précédente femme et leurs trois enfants. Il est un descendant de ces pionniers qu'on loue ici, en est fier, arbore même au menton une petite barbichette sans moustache, à la manière de ses ancêtres calvinistes. « Je suis Afrikaner, dit-il.Tout ce que vous voyez là représente ma culture, d'où je viens. » A-t-il suivi un peu la cérémonie d'hommage à Mandela ? « Non » Qu'en pense-t-il ? « Rien ».


 DEVANT L'ÉCRAN GÉANT, LA PLACE EST DÉSERTE

Mais il n'est pas que les Afrikaners à bouder l'événement. Dans le centre de Pretoria, presque exclusivement habité par la population noire, des habitants déambulent comme si de rien n'était. D'innombrables clochards, certains au dernier stade de la misère dans leurs haillons, des sacs en plastique en guise de chaussures, tendent la main au passant ou fouillent les poubelles.


Devant l'hôtel de ville a été installé un écran géant qui retransmet la cérémonie. Mais la place est déserte. Personne n'écoute, pas même les gardiens avachis sur leurs chaises. Crachés par les haut- parleurs, les interminables discours de Qunu se perdent dans le vent.

Un homme passe, portant le béret rouge de l'EFF (Economic freedom fighters). Elias Maponya, 28 ans, a rejoint il y a un an ce parti fondé par des dissidents d'une branche dure de l'ANC. L'EFF demande un meilleur partage des richesses entre Noirs et Blancs. Elias Maponya était parmi les 100 000 personnes qui ont attendu des heures sous le soleil pour défiler devant le cercueil de Nelson Mandela, de mercredi à vendredi, à Pretoria. « C'était un grand homme qui nous a donné la liberté. Je l'aime. » Pourtant, il boycotte ce qui se passe à Qunu. « L'ANC tente de récupérer la mort de Madiba. Mais ce parti n'a plus rien à voir avec les valeurs qu'il portait. Ses dirigeants ne travaillent que pour leur propre compte, pour s'en mettre plein les poches. Ils ne s'occupent pas de la détresse du 
peuple.
 »


Une demi-heure plus tard, le corps de Nelson Mandela est mis en terre, clôturant dix jours de deuil national. L'homme qui a donné à l'Afrique du Sud la liberté et la réconciliation laisse son pays dans l'angoisse de les gérer.

 

Comme un drôle d'écho à ce discours militant, dans la chapelle improvisée dans une salle d'école, un prêcheur s'adresse à ses ouailles et dénonce les Philistins et les marchands du temple. Dans le centre-ville, ce matin, les dizaines d'églises évangéliques sont pleines. Dans l'une d'elle, Kotetso Moladwe a orienté son sermon autour de l'héritage de Mandela. « Nous avons prié pour lui, bien sûr,explique-t-il. J'ai dit aux fidèles que sa vie avait eu un sens. Il nous a élevé à la conscience. Mais il faut que nous aussi nous donnions un sens à notre vie. Notre pays va mal car il n'a plus de but. »

 

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