Il n’y a pas d’élite haïtienne ! - Par Camille Loty Malebranche

Collection du Cidihca : Haïtii au 19ème siècle

Tandis que de nombreux intervenants évoquent aujourd’hui le thème et s’exclament sur l’absence d’élite en Haïti, je vous propose ce texte vieux de quelques années, légèrement remanié où je me suis exprimé sur le sujet.

Mardi 1er novembre 2016 (rezonodwes).-

     L’Élite haïtienne est à créer. Il n’y a pas d’élite sans projet de société, sans une vision assignant essence et identité politique et économique au social, sans assumation rationnelle de la gestion du pays, sans projection systémique et institutionnelle du mode social voulu. Il ne peut y avoir d’Élite informelle! Or le pays baigne dans l’informel! Dans le contexte d’un pays où même le capitalisme n’est que champ de marchands revendeurs improductifs toujours prêts à éliminer tout importun voulant investir dans la production par refus de toute compétition, il faudra au moins créer une ère de possibles et de sécurité physique et légale pour les vrais investisseurs.

Remarquez que l’élite bourgeoise est une réalité du capitalisme car en contexte non capitaliste, on peut avoir une élite d’orienteurs, lesquels peuvent être dignes comme à Cuba ou se corrompre en Nomenklatura comme jadis en Union Soviétique dont ce fut l’une des causes de l’effondrement.

Les nantis haïtiens ne forment pas une élite, ce n’est que par lacune lexicale de la langue qu’ils sont appelés de la sorte. Il y a toutefois de rarissimes individus qui s’assument personnes et citoyens parmi eux et qui sont de vrais éléments d’élite par leur vision méliorative d’une construction sociale et économique enfin humaine à penser et créer en Haïti, quoique ladite vision soit réprimée par l’écrasante majorité de leurs pairs dans la fortune, plus enclins aux trafics et aux rentes de toutes sortes comme revendeurs improductifs et vulgaires profiteurs d’un ordre économique rétrograde, toujours prêts à empêcher toute émergence d’un vraie classe d’investisseurs au pays.

Nos « intellectuels », fors les rarissimes qui osent penser et garder une dignité d’esprit et de comportement social, sont plutôt des scolarisés, parfois bêtes à manger du foin et qui ne sont le plus souvent que le calque des penseurs classiques, sans nul effort ni volonté d’une pensée propre et autonome. Versant fréquemment dans l’alignement idéologique impérialiste par affairisme, facilement achetables, ils forment des clans sordides contre tout esprit libre qui ose apostropher le réel sans soumission à des modes préfabriqués de penser. Ils essaient tout pour mystifier et discréditer ceux qui ne se contentent pas d’être l’écho de formules toutes faites qu’ils brandissent à des moins scolarisés comme leur propre trouvaille et pour les mystifier!

Ah! Misère, Horreur! On confond scolarisés et intellectuels et c’est une méprise tuante pour les non avertis!

Quant à nos politiques – hormis certains hommes de valeur, car on y trouve vraiment peu de comportement d’hommes d’État – sans doctrine ni vision véritable, plusieurs se manifestent vils politicards, plats et incapables d’être des hommes politiques, s’amenuisant, pour la plupart, par toutes sortes de platitudes, telles la flatterie de l’impérialisme, la trahison de leur parole, l’opportunisme des mésalliances malsaines pour prendre le pouvoir et assouvir leur instinct d’enrichissement et de domination sans souci d’aucun projet de société à mettre en œuvre ni d’aucun État à concevoir radicalement autrement au profit du peuple pour enfin créer l’espace institutionnel nécessaire à la vraie fondation de la Nation où enfin les haïtiens pourraient vivre un tant soit peu de citoyenneté.

Le drame du brave peuple haïtien, c’est que sa prétendue élite, je dis bien « prétendue » (car ce sont en fait des oligarques sordides) est si malpropre si rétrograde qu’elle ne vise jamais qu’à réduire le pays à la plus basse misère par toutes sortes d’agressions économiques, politiques, physiques et symboliques pour maintenir ses privilèges indécemment pléthoriques de classe! Pas même la moindre gêne dans leur intumescence stérile, devant le décalage extrême entre le niveau d’Haïti et celui de la république Dominicaine!

Hélas! c’est classique! Quand on ne peut s’imposer par la grandeur, l’on s’efforce de régner par la terreur et les discriminations des clivages de classe!

Vive les vrais hommes et femmes d’élite d’Haïti, qu’ils puissent, dans un élan d’orgueil national et de dignité, se retrouver, se mettre patriotiquement d’accord pour enfin constituer institutionnellement une véritable élite porteuse d’un vrai projet de société applicable, qui repense le pays en vue d’une Haïti humaine et digne!

Il n'y a pas d'élite haïtienne! par Camille Loty Malebranche

Tandis que de nombreux intervenants évoquent aujourd'hui le thème et s'exclament sur l'absence d'élite en Haïti, je vous propose ce texte vieux de quelques années, légèrement remanié où je...

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