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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


L’occupation d’Haïti, un trouble socio-historique dévastateur - Par Joël Léon

Publié par Joël Léon sur 21 Juillet 2016, 09:53am

Catégories : #AYITI ACTUALITES

« Il n’y a pas de vertu dans l’occupation » (Joël Léon) 

   

     L’occupation est toujours un package de complications. Elle entraîne avec elle de néfastes conséquences qui méritent d’être exposées devant le peuple haïtien. Parmi elles, désorientation culturelle, dépendance endémique, assujettissement historique et banalisation internationale…

Marc Arthur Fils aime, a noté que : «  Les occupants ont un comportement typique partout où ils se trouvent : l’humiliation des nationaux, l’irrespect des lois du pays en question, l’accaparement manu militari de ses richesses ». Donc, Haïti n’a pas été une exception. La tendance générale veut que l’occupation soit militaire. Pourtant, l’occupation est beaucoup plus culturelle que tout autre. L’histoire fournit pas mal d’exemples, notamment celui de la « Pax Romana ». Malgré les siècles qui séparent la « pax americana » de l’empire romain, l’empire américain porte les traces inaltérables de la période historique romaine, particulièrement au niveau de la citoyenneté.

Le citoyen issu d’un quelconque empire est synonyme de respect, d’intégrité et surtout inspire la peur à toute autre citoyenneté. L’Américain d’aujourd’hui ressemble étrangement au citoyen de Rome. Nombre d’invasions et de bombardements qui eurent lieu sous la rubrique mensongère de protéger des citoyens américains qui seraient en danger (Panama, Grenade…) Les marines américains sont plus prôches des gladiateurs romains que tout autre soldat du monde. Bref, domination romaine ou américaine conduit au même résultat : une culture qui fait l’apologie de la soumission ayant pour expression la désorientation culturelle.

 

Désorientation Culturelle

Alexandre Soljenitsyne a fait une révélation dramatique lorsqu’il a déclaré, et je cite : « Pour détruire un peuple, on doit, en premier, couper complètement sa racine ». C’est ce que fait l’occupant en Haïti. Par des techniques bien apprises, le conquérant liquide toutes nos traditions sous une série de prétextes fallacieux liés à la modernité tels que :la façon de cultiver la terre est trop archaïque, la pratiquer de la foi basée sur la religion nationale est diabolique, la solidarité paysanne est perçue comme l’expression fidèle de la misère, la musique est l’incarnation du diable…En lieu et place de nos traditions, l’occupant introduit toute sorte de créations insalubres sous forts coups de publicités et d’effets spéciaux. Ce qui en résulte, c’est la naissance d’une génération de désorientés, confuse entre les traditions nationales et les pratiques importées. Antonio Gramsci, de sa cellule de prison, lança cette alerte de tonnerre aux révolutionnaires de partout « c’est la culture (qu’il faut attaquer), stupide ». Ainsi, l’italien a pu déceler l’importance de la culture dans la « superstructure » qui régule les institutions, les doctrines politiques et sociales, aujourd’hui il faut ajouter les media, dans le processus de domination de classe. Tout en s’assurant que cet indispensable outil qu’est l’« hégémonie culturelle » soit toujours actif et préservé. La modernisation est un processus auquel aucun peuple ne peut échapper. Cependant, elle doit être faite en fonction d’un schéma cartésien non en contradiction avec l’intérêt national et la souche du peuple. En ce sens, toute plaidoirie qui ne tient pas compte de cette réalité fondamentale, n’est rien d’autre qu’une conspiration d’inspiration vassale.

Toute génération née dans la confusion représente un danger pour l’avenir d’un pays. Voila la raison pour laquelle  je condamne avec force tout Haïtien ou étranger qui a joué un rôle quelconque dans les deux occupations dont sont victimes le pays en moins d’une décennie. Directement, vous êtes responsable de la création de cette entité sociologique désorientée.

Le patriotisme n’est pas cher, mais il est sacré. Un patriote américain a déclaré pendant la guerre pour l’indépendance étasunienne : « Je regrette que je n’ai pas plus qu’une vie à sacrifier pour mon pays ». Ce sont les mots d’un homme traduisant son amour chauvin pour sa patrie. Ainsi, à chaque fois qu’un citoyen haïtien fait appel à l’Américain pour envahir son pays, l’oncle Sam rit et n’éprouve aucun respect pour lui. Parce qu’il connaît l’importance d’une patrie.

La rumeur veut que les marines américains aient laissé dans le pays des centaines d’enfants sans pères après leur départ en 1934. Une lourde charge de plus à la nation, aucun historien n’a pensé à investiguer l’affaire afin d’établir les faits pour mettre en accusation le gouvernement américain face à ses imputations vis-à-vis de leurs soldats irresponsables. Dommages et intérêts devraient être réclamés en compensation de nos vaillantes femmes paysannes souillées. En guise d’une telle initiative, nos élites les ont accueilli chaleureusement pour dupliquer ces mêmes monstruosités. A la seule différence, qu'aujourd’hui ces enfants seront de petits jordaniens, brésiliens, chiliens…

De nouveaux désorientés psychologiques et culturels pour conduire et perpétuer le pays dans l’abîme de la dépendance.

 

Dépendance Endémique.

L’occupation telle que vue par beaucoup d’intellectuels haïtiens est un passage obligé. Ils espèrent quelques retombées positives pour la nation via un protectorat étranger. Quelle ironie ?

L’histoire n’a  répertorié un seul cas ou l’occupant ait pu accomplir aucun changement véritable dans aucun pays. On fait allusion  très souvent à l’Inde, comme cas de réussite colonialiste ; mais, on oublie que l’indépendance de l’Inde en 1947 fut acquise aux prix de hautes luttes sous le leadership de Gandhi. Si l’occupation était si glorieuse, le colonisateur anglais devrait être toujours présent en Inde. «  Il n’y a pas de vertu dans l’occupation ».

L’interdépendance semble inévitable dans le monde, dit globalisé. Cependant, lorsque les échanges se font à sens unique, comme dans le cas des pays riches avec les pays pauvres, parler d’interdépendance est une insulte à l’intelligence. Quand des hommes d’état d’autres pays, des Etats-Unis, se servent des Nations-Unies pour légitimer des interventions militaires, ce ne sont  rien d’autre que des manœuvres dilatoires pour cacher leur  voracité  impérialiste à tout contrôler. En ce sens, on a en mémoire l’intervention américaine en Haïti, notamment en 1994 et 2004 sous les administrations de Bush père et fils, sans oublier l’Irak en 2003 et la Lybie en 2014.

De l’autre côté, il y a aussi des leaders locaux qui livrent l’économie et la politique de leurs pays a la merci du « grand capital financier et politique international ». Ils ont endetté leurs pays, du coup hypothéqué le futur de plusieurs générations dans le paiement des intérêts de dettes colossales. Ces chefs d’état se sont honteusement transformés en gérants du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales. Ils introduisent des techniciens du grand capital mondial dans notre finance publique pour dicter les lois sordides du marché. Ces comportements infâmes nous propulsent dans la spirale chronique de la crise. La société haïtienne fait face depuis plusieurs décennies à des phénomènes socio-économiques qui s’expriment par des ébullitions politiques difficilement gérables. Rien ne fonctionne dans le pays : les institutions sont purement formelles. Des cadres du Département d’état, se comportant en génies, imposent des formules que les hommes d’état haïtiens accueillent avec allégresse. Certaines fois, Stanley Lucas, un pantin de l’impérialisme américain, s’est métamorphosé en grands connaisseurs face à des professeurs d’université dotés de doctorat.

Tout doit provenir de l’étranger, sinon c’est mauvais.

 

Qu’en est t il de l’âme et de la pensée haïtienne ?

Les élèves de Stanley Lucas enseignent toujours à l’université d’état d’Haïti....Ainsi en 2003-2004, des milliers de jeunes s’étaient prostitués pour des visas américains, canadiens et français. Voilà la génération du futur, elle qui passait une bonne partie de son temps à faire l’apologie du « blanc », se voit soudainement octroyer le rôle de forgeuse d’histoire. On a déjà une idée de ce que sera cette histoire : elle sera truffée de hontes et de mensonges. L’occupant est encore là pour embellir la bêtise. La dépendance doit être éternelle. Heureusement, aucun système politique et idéologique n’est éternel. Seul le peuple l’est.

Dans ce carrefour ou nos élites pactisent avec l’occupant, nous devons réfléchir à ces mots transcendants d’Aimé Césaire : « Des grandes réserves de foi, ces grands silos de force ou les peuples, dans les moments critiques, puisent le courage de s’assumer eux-mêmes et de forcer l’avenir ». Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’y crois. Le futur est à nous comme l’est aussi, la victoire.

 

Assujettissement historique.

Le premier janvier 2004 représente un affront à tous les progressistes haïtiens et du monde entier. La façon dont les occupants et leurs valets haïtiens s’étaient unis pour embrumer cette célébration est unique à travers l’histoire. En 1876, les États-Unis célébrèrent leur premier siècle d’histoire, en organisant dans la ville de Philadelphie une exposition qui avait duré plusieurs mois. Dans laquelle ils avaient exhibé pour la première fois leur puissance dominatrice et exprimer leur intention impériale claire. Les Européens qui avaient assisté à l’exposition, s’en étaient retournés abasourdis dans leurs pays respectifs à partir des choses vues et entendues, particulièrement les Anglais. Beaucoup d’historiens se mettent d’accord pour avouer que cette exposition constituait la détermination inébranlable du « caïman étoilé » de s’imposer à l’échelle mondiale. En histoire, les dates revêtent toujours une importance capitale.

Tandis qu’a la veille de la célébration de nos deux cent d’histoire, j’ai entendu dire à la radio en Haïti, que maintenant nous devions nous préparer pour fêter nos trois cent ans d’indépendance en 2104. Quelle malveillance ! L’aspect le plus grave, c’était que ces mots étaient  ceux de l’un de nos vaillants intellectuels. Voilà comment on a procédé pour falsifier l’histoire glorieuse d’Haïti avec l’aide de nos élites. J’ai un message pour tous ceux-là qui avaient contribué à l’avortement de la commémoration du bicentenaire, «  l’histoire vous place dans le même panier que Jean-Baptiste Conzé ».

Ce n’est pas l’effet d’un hasard si en 2004, après l’intervention unilatérale américano-française, que des militaires français se retrouvèrent dans la ville du Cap pendant l’année même du bicentenaire de l’indépendance. La ville du Cap, la glorieuse, là ou ils furent  expulsés sous une pluie de balles, il y avait exactement deux cent ans. Par cet acte, le gouvernement français veut effacer cette défaite a Vertières* avec la présence de leur armée sur le territoire haïtien. A la manière des Américains qui eurent à inventer des montages cinématographiques à grand coup d’effets spéciaux pour biffer la défaite vietnamienne, à travers le film Rambo. Le Français a copié ce même symbolisme. « Heureusement, les défaites des grandes armées sont immortalisées par des récits héroïques et des cicatrices incurables et non par des caprices de l’audio-visuel ni par des démonstrations martiales sans valeurs ».

 

Banalisation Internationale.

Il faut remarquer qu’à chaque fois qu’on parle d’Haïti dans les journaux ou institutions internationales, on a toujours pris soin d’ajouter cette minable signature, « le pays le plus pauvre de l’hémisphère ouest ». C’est une pratique mafieuse pour jeter le discrédit sur ce qui a été fièrement réalisé le premier janvier 1804. C’est une tactique pour dire au monde que les Haïtiens sont des maudis, des pestiférés, des porteurs de malheur. Avec la présence des forces étrangères dans le pays, notre poids diplomatique se voit incorporé à des puissances tutrices, qui ouvertement poursuivent des intérêts contradictoires aux nôtres. La thèse de ce que « Le pays de Jean-Jacques Dessalines et d’Alexandre Pétion doit être du coté des persécutés et opprimés » est périmée. Haïti a rejoint non seulement les états parias mais aussi les états banals. Réalité qui se  perpétue avec une catégorie de dirigeants sans projets ni convictions, prenant un vilain plaisir à faire le tour du monde avec un bol honteux à la main. On ne peut s’attendre à aucune initiative nationale de la part de ces hommes d’état à courte vision et adeptes des solutions faciles. Si les progressistes ne se montrent pas cette fois, ce sera un autre siècle perdu. La République d’Haïti n’est actuellement que la manifestation de l’échec ultime face au monde international. Tout ceci peut être corrigé, si et seulement   on exige le départ immédiat des forces étrangères dans le pays. Condition indispensable à tout nouveau départ.

 

Conclusion

La désorientation culturelle est la conséquence d’une politique de domestication de l’esprit par la dénonciation systématique de nos racines et leur remplacement par des pratiques culturelles importées. La dépendance endémique résulte de la présence des occupants dans tous les aspects de la vie nationale, cette réalité nauséabonde conditionne le peuple à se déresponsabiliser de ses obligations. Assujettissement historique est la longue lutte menée par les adversaires du peuple haïtien de toujours, dès le premier janvier 1804 qui consiste à diaboliser nos ancêtres comme des meurtriers. Aujourd’hui, ils veulent effacer l’épopée glorieuse de 1804 par la réoccupation du territoire national. Enfin, Haïti est truffée de diminutifs comme nom, notamment le pays « le plus pauvre de l’hémisphère ouest ». Une façon de momifier le pays dans le concert des nations. La présence de la MINUSTAH relègue le pays au second plan, comme si le peuple haïtien avait donné un mandat à un quelconque néocolonial. Le constat est clair, un groupe d’hommes a échoué. Le vide doit être comblé par des progressistes et non par des occupants ni par une autre version de valets.

N’oubliez pas qu’aujourd’hui est l’heure des brasiers.

Joël Léon

 

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